Cela fait des semaines que ça a commencé, maintenant. Des rapports provenant de tout le Royaume d’Uxy arrivent pratiquement chaque jour. Et tous ces rapports racontent une « histoire » similaire. Un habitant qui reçoit un courrier simple qui contient une sorte de « carte de visite » arborant un logo terrifiant. Ce logo ne ressemble en rien aux potentiels petits groupes, gangs ou organisations déjà existants. Ce logo est entièrement noir et porte un œil rouge sang en son centre. Peu de temps après avoir reçu cette carte, la ou les personnes meurent mystérieusement, mais clairement assassinées. Par qui ? Nulle ne le sait.

Ces évènements deviennent monnaie courante au sein du pays, et la confiance des habitants, en constatant que la famille royale, ma famille, ne fait rien pour arrête ça diminue. C’est douloureux. Terriblement douloureux. Tout comme les rapports se font de plus en plus nombreux, les plaintes et protestations des habitants s’accumulent. Ça fait mal, affreusement mal. Mon peuple souffre, et les Gardiens beaucoup trop récents de deux ans ne peuvent pas être partout à la fois. Mon peuple bien-aimé appelle au secours, et je ne sais pas comment je suis censé les aider. J’essaye encore et toujours de les rassurer, que nous allons mettre la main sur les coupables, sauf que je ne reçois que des retours haineux.

Ça fait mal. Mon cœur, j’ai l’impression qu’on l’écrase d’une main ferme. Mon peuple que j’aime tellement est blessé, et je le ressens à travers chaque fibre de mon être. Le Royaume s’est transformé en une sorte de boucherie, en jeu de massacre à l’échelle de tout le territoire. Je me sens malade rien que d’y penser, que des gens de mon peuple en qui j’ai confiance perpètrent ces crimes impunément. Je place vivement ma main devant ma bouche alors qu’un haut-le-cœur me saisit. Je ne suis vraiment pas bien, mais alors que j’ai l’habitude de sortir pour me mêler aux habitants afin d’aller mieux… cette fois…

Que dois-je faire ? Bien sûr, la réponse est simple : trouver et arrêter ces individus. Cependant, par où commencer pour les trouver ? J’ai… nous n’avons aucune information sur eux, en supposant qu’ils soient même plusieurs, si ce n’est ce mystérieux et effrayant emblème. Comment pouvons-nous remonter à leur source avec juste ça ? Devrions-nous… enquêter sur les meurtres ? Je ne suis pas détective et aucun de ces assassinats ne se ressemble, ce qui appuie l’hypothèse qu’ils sont plus nombreux que nous le croyons.

Un nouvel haut-le-cœur me remonte l’estomac et je ferme les yeux avec force, gardant ma main plaquée contre ma bouche. Une myriade d’aiguilles poignarde sauvagement mon cœur meurtri et empli de tristesse. Ces derniers temps, face à la violence des évènements, je me suis isolé. Bien évidemment, je sors toujours pour venir aux nouvelles avec un semblant de sourire forcé, mais sinon, je reste enfermé dans une des pièces du palais. Les gardes ont pour ordre de ne laisser personne y entrer, pas même ma Mère ou ma Sœur. Personne ne doit… entrer… ici… alors qu’une larme coule le long de ma joue avant de tomber sur la lettre que je tiens entre mes mains tremblantes.

Cette pièce n’est pas exactement un refuge. Il serait plutôt un lieu de souffrance impitoyable, pour moi. Pourvue de seulement une longue table, j’y ai rassemblé toutes les lettres et rapports des habitants. Peut-être aurais-je dû apporter ça à la Caserne des Gardiens pour en parler avec eux. Mais… mais… avec tout ça… mon habituelle confiance inébranlable en eux… une sorte de deuxième famille que j’ai toujours cru que nous formions… puis-je encore… croire en eux ? Et si certains des agresseurs se cachent parmi les Gardiens ?

… une nouvelle larme glisse sur mon autre joue alors qu’un léger sanglot s’étouffe dans ma gorge, bloquant un bref instant ma respiration. Je ne peux pas et ne veux pas croire que l’un d’entre eux aurait pu nous trahir. C’est impensable. Peut-être devrais-je aller voir ce couple à nouveau pour leur demander conseil ? Sans en être véritablement conscients, ils ont souvent été là pour moi, m’expliquer des choses à propos de—

La porte dans mon dos s’ouvre violemment, laissant quelqu’un entrer, tandis que les gardes semblent crier et accourir en arrière-fond. Avant même que je n’aie le temps de me retourner pour savoir qui vient de pénétrer sans permission, un poids plume me tombe dessus. S’enroule autour de mon cou serait plus correct. En baissant les yeux, j’aperçois une tête aux cheveux blancs ornée de deux oreilles. Puis la voix plutôt aigüe d’Hope s’élève, me grondant tel un enfant, et un sourire naît instinctivement sur mes lèvres malgré les traces de larmes séchées m’acculant toujours mes joues.

Ce « petit frère » que je n’ai pas a toujours le don de réussir à me faire sourire même dans les pires moments. Je lui ébouriffe affectueusement les cheveux, ne répondant pas immédiatement. Ma voix me trahirait probablement. La douleur étouffant mon cœur diminue faiblement, mais ne disparaît pas et reste bien présente, prête à regagner du terrain à la moindre seconde d’inattention.

« Ah, Hope, c’est toi. Navré, j’ai été un peu occupé ces derniers jours. Peux-tu me laisser ? Je promets de venir jouer avec toi plus tard. »