Vêtu comme une femme exotique, tu n’avais prononcé aucun mot depuis que tu étais sur la route. Tu ne devais pas être découvert, ta couverture ne devait pas foirer, sinon tu étais foutu. Ta curiosité te poussait à faire des choses bien bizarres, et en voilà la preuve. T’empêchant de rire de la situation ou de lancer des jurons, tu te contentais de garder la bouche fermée, pour éviter qu’on ne reconnaisse ta voix masculine. Tu avais rejoint un convoi qui se dirigeait près du portail de Nael, lequel te rendait bien évidemment curieux plus que tout autre chose dans le monde. Et ce convoi, il était destiné à divertir les soldats, pour les encourager à surveiller correctement que personne ne s’approche de cette étrange porte menant peut-être à d’autres univers. En tout cas, tu étais certain d’une chose, c’était que des gens en sortaient, donc peut-être qu’il était possible de passer au travers ?

Tu poussas un soupir, chuchotant par la même occasion que tu en avais marre des jérémiades de tes camarades de route. Personne ne pouvait t’entendre vu le bordel dans le chariot, mais enfin, au moins, tu l’avais quand même sorti. Cela t’allégeait d’un petit poids. Tu gardais un seul objectif en tête, et c’était de t’approcher au maximum du portail et même si tu ne pourrais probablement pas y toucher, tu le regarderais sous toutes ses coutures. Énième soupir perdu dans le flot de conversations animées des autres femmes qui étaient présentes, elles venaient de Torix, tu avais choppé l’heure et leur rendez-vous, te faisant passer pour une nouvelle, tu avais donc un nouveau nom, celui Soo. Un prénom qui n’avait aucun lien avec toi, ni même avec ta mère. De cette façon, on ne pourrait pas te chercher.

Enfin devant l’immense campement militaire Naelite, le silence parmi les demoiselles s’était fait remarquer. Elles étaient sûrement impressionnées, n’étant jamais venues par ici, mais toi, tu connaissais, puisque tu avais plusieurs fois risquer ta vie pour entrer dans ce camp et observer les tours de garde, les visages, et par la même occasion, te faire une petite carte des endroits où tu pourrais éventuellement te cacher. Tout dans le détails Sehun, tu étais ainsi, et cela ne changerait pas de sitôt. Les soldats semblaient étonnés de votre visite, des femmes de Torix plutôt, mais il s’agissait là d’un convoi de l’empereur pour prendre soin de ses chers soldats. Histoire qu’il garde leur fidélité, et qu’ils puissent se reposer quelques heures seulement. Tu roulas des yeux, ta bouche cachée par un foulard de tissu transparent légèrement rouge, tu te devais de te tenir comme elles, mais restas silencieux pour éviter qu’on n’entende ta voix. Tu avais dit être muet, enfin, une femme muette, alors tais-toi Sehun, et avances avec le groupe.

Deux heures étaient peut-être passées depuis ton arrivée au camp, tout le monde profitait des danses sulfureuses des femmes, ou d’un peu d’alcool pour alléger la pression de garder un portail, qui s’allumait aléatoirement. Discret, comme à ton habitude, tu te permis de te balader un peu dans le camp, passant dans quelques tentes pour y chercher des papiers à emporter, des informations sur le portail, ou même des objets à voler tiens. Tu avais assez de place dans ta fausse poitrine pour récolter quelques trucs. Tu te retrouvas dans une tente assez grande et il ne te fallait pas plus de quelques secondes pour t’imaginer l’importance que devait avoir le possesseur de cet habitacle. Tu poussas un soupir, entrant à pas de loup, sans entendre le moindre bruit. Pas de bracelets qui font cling-cling quand tu marches, tu avais fait attention à ne pas mettre d’accessoires inutiles, sans doute que personne parmi les soldats ni tes camarades n’avaient remarqué ton absence, et c’était tant mieux. Tu te dirigeas vers l’immense bureau, sur lequel une carte était posée à plat sur quasiment toute la largeur du bois, mais également des rapports de ce que tu pouvais voir. C’était bien ta veine de trouver des textes, toi qui ne savais pas lire ni écrire. Quelques feuilles contenaient des dessins, des croquis tout au plus, alors que tu te décidas à en prendre un ou deux, les glissant dans tes habits, juste avant que tu ne captes le bruit de pas vers la tente. Ni une ni deux, tu t’échappas par les pans arrière du lieu.

Et ce ne fut que quelques minutes plus tard que tu te tenais à environ deux cents pas du portail, n’osant pas approcher plus, te contentant de t’appuyer contre un des arbres environnants, qui formaient un certain confort autour du campement, malgré sa grandeur. Il n’y avait pas beaucoup d’arbre, mais au moins la verdure était rassurante. Tu te perdis dans la contemplation de ce portail étrange, personne ne savait comment et quand il était apparu la première fois. Un type avait juste pop en dehors d’un champ de lumière, et voilà, un portail avait pris forme à ce moment-là. Tu ne savais pas plus en réalité. Un fusain et un carnet dans les mains, tu représentas la chose de là où tu étais. Tu voulais te rapprocher, mais pour le moment, dessiner ce que tu voyais et pouvoir l’expliquer à Woon semblait une bonne idée. Parce que les images valent mieux qu’un long discours. Cependant, à moitié de finir ton dessin, une personne s’approcha de toi, une voix méfiante s’éleva, et tu ne pus que regarder avec nonchalance qui osait te parler de la sorte.

Goyangi

Oh, unlucky you are

Sehun

Il n’y a pas un jour où je regrette mon statut. Pas un seul. Même si je n’ai jamais pu réellement décider de mon destin, de mon avenir, même si je ne peux pas toujours faire ce que je souhaite, dire ce qu’il y a au fond de mes pensées, je n’ai jamais regretté une seule fois d’être amené un jour à prendre la tête du royaume. A croire que j’ai ça dans le sang ? Certainement. J’ai une passion certaine pour me faire obéir, pour les choses militaires et les affaires de l’état. Complètement absorbé depuis toujours dans tous les sujets qui s’approchent de près ou de loin celui de mon Empire glorieux.

Celui-ci en est un de plus, une étrangeté, une bizarrerie qui s’est invitée sur ce plateau relativement isolé. Une chose qu’on ne peut comprendre, du moins, pour l’instant. Viendra un jour où nous percerons ses secrets, où nous l’utiliserons à notre avantage. Si ce n’est pas Père qui s’en charge, je me ferai une joie de terminer l’étude de ce trou dans l’espace.

De ce portail.

Un privilège, c’est bel et bien un privilège de pouvoir poser les yeux sur cette arme potentielle qui s’est imposée à nous. Certes, nous n’en savons rien, certes ce qui en sort reste un mystère, mais viendra le jour cela ne sera plus le cas. Voilà pourquoi je suis ici, entouré d’une vraie petite armée dans ce camp de fortune. A chaque heure du jour et de la nuit, l’Empire garde cette ouverture vers le néant, capture ceux qui en sortent, les interroge avant de trouver une utilité à leur arrivée. Jour et nuit, une armée de savant, de mage, de tout ce qu’on a pu trouver étudie avec ferveur. Est-ce que je fais exception à la règle ? Oui, on peut dire cela. Mais je fais toujours exception à la règle. Je ne suis guère un érudit féru de livres, plutôt le contraire. Si je suis ici, c’est comme toujours pour la même chose : Veiller et collecter des informations. Savoir ce qu’il en est de la situation est important, savoir que cette situation ne peut pas nous échapper est important.

En somme, sur cette plaine au milieu de nulle part se joue un pan crucial de l’histoire de Nael.

Quel meilleur endroit aurai-je pu visiter, moi, Prince de l’Empire ?
Voilà plusieurs jours que je me suis installé au sein de ce campement de fortune, autant représentant de l’Autorité que présent pour mes propres raisons. Et jours après jours, j’inspecte, je vérifie, je collecte, j’écoute.

Je gouverne.

Ou du moins, me prépare à le faire, comme toujours.

Depuis mon arrivée, tout passe par moi, et tous tentent de se montrer sous son meilleur jour. Simplement pour l’Empire, simplement pour plaire, simplement pour que je rapporte cela à mon Père. J’ai l’habitude de ce quotidien, car il a quelque part toujours été le mien. Être traité différemment, c’est quelque chose qui me plait. Beaucoup, même. Mais peu importe.

Peu importe.

Aujourd’hui mon attention est retenue par l’arrivée d’un... ‘convoi spécial’ de la part de Père. Il est vrai que surveiller ce portail de jour comme de nuit demande beaucoup aux soldats placés en faction ici. Un travail et une vigilance de chaque instant... et les morts et les apparitions nocturnes n’arrangent rien. Un travail qui use les nerfs à la longue, surtout que nous ne pouvons pas mobiliser énormément plus de troupes à cet endroit sans risquer de destabiliser une autre partie de l’Empire. C’est ce que j’ai conclu après quelques heures, c’est ce que j’ai envoyé à Père.

Et voilà sa réponse, pleine de créativité, comme toujours. Un convoi de femmes, ou devrai-je dire plutôt, de filles de joie. Ne soyons pas dupe, personne ici ne l’est. Ce ne sont pas uniquement de simples danses osées que nous demandons à ses jeunes femmes, mais bel et bien un peu plus. En somme, divertir les soldats. Je n’ai guère d’autres opinions sur ce sujet, ce n’est pas la première fois que j’assiste à ce genre de balais. Torix est proche de la capitale et bien évidemment, je m’y suis déjà rendu. Chacun doit faire sa part pour faire progresser l’Empire, quel que soit son talent. Ce que j’apprécie moins, c’est cette sensation de relâchement généralisé.

Je sais que Père a eu raison, et pour aujourd’hui et ce soir, je relâcherai la bribe. Mais il est hors de question que je me laisse aller à ce style de... distraction. L’endroit est encore trop important, et j’ai encore trop à faire. Alors, lassé par les danses lascives même si divinement exécutées, je préfère me retirer dans ma tente. Enfin, celle qui me sert de bureau dirons-nous.

La musique et les rires résonnent, peut-être un peu trop fort, certainement un peu trop fort. Car ce n’est que lorsque je me tiens pratiquement à l’entrée de tissus que je le remarque. Le bruit, inhabituel, qui provient de l’intérieur alors que moi-même je n’y suis pas. Tch, c’est bien ma veine tiens. Immédiatement, je presse le pas, dépliant le pan des draps pour tomber nez à nez avec le vide et le silence.

Le vide, le silence, et une petite ouverture à l’arrière astucieusement dissimulée, mais ouverte avec trop de hâte pour être parfaite.

Je doute qu’un rat se soit introduit ici, surtout pour déranger aussi vulgairement mon bureau. Un rapide coup d’œil me signale qu’effectivement, quelques écrits ont disparu. Et ce n’est pas le vent le responsable.

Finalement, un rat s’est peut-être bien introduit ici.

Ni une, ni deux, je pars à sa poursuite. Le camp n’est pas immense, comparé à d’autres que j’ai pu visiter, mais avec tous ces nouveaux visages... et le relâchement ambiant. C’était la bonne occasion. C’était le bon moment. Parfait, même trop parfait. Vraiment trop parfait... certainement planifié ?
J’y penserai plus tard, lorsque j’aurai mis la main sur ce fils de rien qui a osé entrer dans un lieu interdit.

La traque se transforme en un léger jeu de piste, au fur et à mesure que je remonte la trace vers le portail. Toujours plus proche du portail. Evidemment. S’enfuir dans la plaine aurait été une manœuvre bien pauvre, surtout en sachant qu’il me suffit d’appeler Im pour rattraper n’importe quel fugitif à pied sur un plateau à découvert.

C’est au bout de plusieurs minutes qu’une silhouette légère et rouge se découpe enfin. Une silhouette braquée vers l’ouverture béante, une silhouette qui n’a rien à faire dans cet endroit, une silhouette qui détone beaucoup trop avec l’environnement pour être discrète.

En même temps... est-ce que toutes les danseuses ne sont pas censées avoir été réquisitionnées pour plaire à nos soldats, ce soir ?

Il semblerait qu’une fouine se soit glissée parmi elles. Je me fiche bien de l’excuse qu’elle pourra me donner, homme ou femme, je ne suis pas connu pour être particulièrement magnanime.

« Il semblerait que Père ait été négligeant dans le choix des filles de son convoi. » Mon regard se plisse, alors que la danseuse rouge se retournes sans réellement sembler impressionnée. « Je suppose que c’est un risque à prendre malgré tout. »

Je mentirai en disant que je ne lui trouve pas un certain charme... atypique. Différent de celui des autres filles. Est-ce une raison pour moi d’être ‘séduit’ ou quoi que ce soit d’autres ? Pas réellement. Mon devoir est et sera toujours ma priorité.

« Si tu ne veux pas aggraver ton cas, je te conseille de me rendre ce que tu as pris et de me suivre gentiment »

Goyangi